Le Conseil d’État invalide les seuils de déclenchement d’une étude d’impact au cas par cas exclusivement fondés sur les dimensions du projet

/ octobre 13, 2021

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt n°425424 rendu le 15 avril 2021, a censuré le décret n°2018-435 du 4 juin 2018 qui était venu modifier certaines rubriques de la nomenclature figurant en annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

Mais le raisonnement tenu par le Conseil d’État remet en cause la légalité, et par suite la validité même, de nombreuses autres rubriques que le gouvernement se voit enjoint de modifier.

Pour mémoire, l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement détermine les projets qui se trouvent soumis à une évaluation environnementale systématique (1ère colonne) et ceux qui sont soumis à un examen au cas par cas (2ème colonne).

Dans nombre de cas, ces projets se trouvent assujettis à évaluation environnementale ou à un examen au cas par cas en fonction de seuils.

Moyennant quoi, les projets qui se trouvent en deçà des seuils se voient exemptés de toute évaluation environnementale, alors même que ces « petits » projets, en dessous des seuils, peuvent parfois avoir des impacts très importants sur l’environnement.

Le droit européen impose de longue date un mécanisme de « clause filet », à savoir un dispositif qui permet de soumettre quand même ces « petits projets » à évaluation environnementale, afin d’éviter précisément qu’ils passent « entre les mailles du filet ».

La France n’avait pas intégré une telle clause et c’est donc sans surprise que le Conseil d’État oblige le gouvernement à revoir toute la nomenclature de l’article R. 122-2 en tant qu’elle exclut certains projets de toute évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, sans comporter de dispositions permettant de soumettre à une évaluation environnementale des projets qui, en raison d’autres caractéristiques telles que leur localisation, sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine.

 

Autrement dit, le seuil relatif à la dimension d’un projet ne peut, à lui seul, permettre de dispenser par avance de toute évaluation environnementale un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement et la santé humaine.

Par conséquent, toutes les rubriques qui soumettent un projet à évaluation environnementales à partir d’une certaine dimension (et donc en exonère tous ceux qui sont en dessous), sont invalidées par le Conseil d’État.

Dans l’affaire jugée le 15 avril 2021, le Conseil d’État a notamment et spécifiquement sanctionné le fait que la rubrique n°44 ne soumettait à un examen au cas par cas que les équipements (sportifs et de loisirs) pouvant accueillir plus de 1 000 personnes. Autrement dit, tous ceux de moins de 1 000 personnes se trouvaient systématiquement exemptés de toute évaluation environnementale, quelles que puissent être, par ailleurs, leurs autres caractéristiques et leur localisation.

Mais on pense évidemment aussi à la rubrique 39 de la nomenclature, couramment sollicitée en matière de construction et d’aménagement, qui exonère totalement les projets de construction inférieurs à 10 000 m² de surface de plancher (ou d’emprise au sol) ou les opérations d’aménagement de moins de 5 hectares de tout examen au cas par cas, en méconnaissance du droit européen.

 

Ainsi, être en dessous de ces seuils ne permet pas d’affirmer que le projet ne devrait pas pour autant faire l’objet, a minima, d’un examen au cas par cas, examen pouvant déboucher sur l’exigence d’une étude d’impact.

La nature du projet et sa localisation (notamment la sensibilité environnementale où il est prévu) peuvent justifier un examen au cas par cas, alors même que la nomenclature ne l’exige pas.

En attendant que le gouvernement revoit sa copie, il est clair que les maîtres d’ouvrage, comme les services instructeurs, doivent donc s’interroger, au regard des critères fixés par la Directive européenne 2011/92/UE du 13 décembre 2011 (et non plus au seul regard de l’article R. 122-2), sur l’incidence notable que le projet est susceptible d’avoir et s’il apparaît que des incidences notables sont probables, il convient de saisir l’autorité environnementale afin que celle-ci se prononce sur la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale.

Le Conseil d’Etat enjoint à l’Etat français de publier un nouveau décret relatif à l’évaluation environnementale des projets dans un délai de 9 mois, soit d’ici janvier 2022.

Nous ne manquerons évidemment pas de vous informer de la parution de ce décret.

 

Claire GALLOIS - Avocate et Docteur en droit public

Claire GALLOIS - Avocate et Docteur en droit public

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