Loi 3DS & Conflit d’intérêts

/ mai 19, 2022

Pas d’obligation de déport des élus administrateurs d’EPL pour l’octroi d’avance en compte courant d’associés et l’approbation d’avenants non substantiels

Rappelons que dans son Guide déontologique publié en février 2021, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommandait aux élus locaux de se déporter dans l’hypothèse où, en tant que membres d’une assemblée délibérante ou en tant qu’exécutifs locaux, ils auraient à prendre ou participer à la prise d’une décision relative aux EPL au sein desquelles ils représentent leur collectivité, au motif que cette situation serait constitutive d’un conflit d’intérêts [1] et d’une prise illégale d’intérêts au sens du code pénal [2].

Cette position, prudente à l’extrême, ne paraissait pas conforme à l’esprit du législateur relatif au principe du contrôle des EPL par leurs collectivités actionnaires.

Dès lors, afin de sécuriser la situation des élus locaux siégeant au sein des organes d’administration d’EPL en tant que mandataires de leur collectivité, la loi 3DS [3] est venue préciser expressément dans le CGCT [4] que les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités au sein du conseil d’administration des EPL et exerçant les fonctions de membre ou de président du conseil d’administration, de président-directeur général ne sont pas considérés, de ce seul fait, comme étant intéressés à l’affaire lorsque leur collectivité délibère sur ses relations avec l’EPL.

Il en va de même lorsque ces élus locaux participent aux délibérations du conseil d’administration de l’EPL relatives à ses relations avec la collectivité qu’ils représentent.

La loi prévoit toutefois des exceptions à ce régime de protection s’agissant de la participation des élus administrateurs d’EPL aux délibérations de leur collectivité, étant précisé qu’aucune exception au régime de protection n’est toutefois prévue s’agissant de leur participation aux délibérations du conseil d’administration de l’EPL.

Ainsi, les élus administrateurs d’EPL ne peuvent pas participer [5] :

  • aux commissions d’appel d’offres ou aux commissions de délégation de service public lorsque l’EPL est candidate à l’attribution du contrat ainsi qu’à la délibération de la collectivité attribuant le contrat ;
  • aux délibérations de la collectivité attribuant à l’EPL une aide (prestations de services, de subventions, de bonifications d’intérêts, de prêts et d’avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché, aides à des entreprises en difficulté rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, crédit-bail à des conditions plus favorables que celles du marché) ou une garantie d’emprunt ;
  • aux délibérations de la collectivité portant sur leur désignation pour siéger, en qualité de représentants de leur collectivité, au sein du conseil d’administration ou de l’assemblée spéciale ;
  • aux délibérations de la collectivité portant sur leur rémunération et les avantages particuliers dont ils pourraient bénéficier au titre des fonctions exercées au sein de l’EPL.

Dans ces situations, les élus siégeant au conseil d’administration de l’EPL concernée doivent ainsi « se déporter » ce qui les oblige à s’abstenir de participer à d’éventuelles réunions préparatoires et à quitter la salle de l’assemblée délibérante de leur collectivité lors de la présentation, du débat et du vote de la délibération.

En réponse à un courrier adressé par le Président de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, le Ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales est venu préciser les contours de l’obligation de déport des élus locaux administrateurs d’EPL.

Précisément, pour répondre aux inquiétudes des élus sur la portée de l’obligation de déport prévue par l’article L. 1524-5 du CGCT, le Ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales a expressément exclu des situations justifiant le déport des élus administrateurs d’EPL, les délibérations des collectivités relatives aux « actes courants entre une collectivité et son EPL tels que, par exemple, les avances en compte courant d’associé ou les avenants non substantiels au contrat » [6].

Selon notre analyse, les avenants « non substantiels » visent principalement les modifications prévues dans les documents contractuels initiaux et les modifications de faible montant.

[1] Art. 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013
[2] Art. 432-12 du code pénal
[3] Loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
[4] Article L. 1524-5 al. 11 CGCT
[5] Article L. 1524-5 al. 12 CGCT
[6] Courrier du Ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales du 26 avril 2022

Chloé LE MIGNANT - Avocate

Chloé LE MIGNANT - Avocate

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