Commande publique : pénurie des matières premières et hausse du prix des approvisionnements
/ avril 21, 2022
Par une circulaire en date du 30 mars 2022, le Premier ministre a émis plusieurs recommandations destinées à intégrer les conséquences de la pénurie des matières premières et de la hausse du prix des approvisionnements dans le cadre de la passation et de l’exécution des contrats de la commande publique.
Plus précisément, la circulaire rappelle de première part la possibilité de recourir aux règles de droit commun relatives à la modification des contrats publics, et en particulier la possibilité de modifier les contrats en cours d’exécution en cas de circonstances imprévues.
Pour rappel, l’article R. 2194-5 du Code de la Commande Publique [CCP] pour les marchés publics, ainsi que l’article R. 3135-3 du même code pour les concessions, autorisent les acheteurs publics à modifier le contrat lorsque les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances qu’ils ne pouvaient pas prévoir au moment de la passation du contrat. Le recours aux circonstances imprévues pourrait donc s’avérer utile, mais sous l’importante réserve que la hausse du prix des approvisionnements ne fût pas prévisible lors de la passation du contrat, ce qui limite à présent son opportunité pratique.
Ajoutons à cela que, même lorsque le recours aux circonstances imprévues est possible, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas modifier le contrat au-delà de 50% de sa valeur initiale [Art. R. 294-3 du CCP pour les marchés publics et R. 3135-3 du CCP pour les concessions].
Partant de ce constat, une rédaction fine de la clause de réexamen du contrat [Art. R. 2194-1 pour les marchés publics et R. 3135-1 du CCP pour les concessions], ainsi que le recours à des clauses de révision des prix, au demeurant obligatoires pour certains contrats [Art. R. 2112-13 et R. 2112-14 du CCP], constitueront donc une issue juridiquement plus sécurisée pour les acheteurs publics et les opérateurs économiques. Le recours aux modifications de faible montant pourrait aussi constituer une solution de repli lorsque les modifications à apporter n’impactent que marginalement le prix du contrat [Art. R. 2194-9 pour les marchés publics et R. 3135-8 du CCP pour les concessions].
Et lorsqu’aucune de ces solutions n’est envisageable, la circulaire rappelle de deuxième part la possibilité de recourir à la théorie de l’imprévision codifiée à l’article L. 6 du CCP, laquelle permet une indemnisation de l’opérateur économique en cas de survenance d’un événement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre contractuel.
A cet égard, il convient de relever que la circulaire du 30 mars 2022 reprend en substance certaines recommandations déjà émises dans le cadre de la circulaire du 20 novembre 1974 relative à l’indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d’accroissement imprévisible de leurs charges économiques.
En particulier, le seuil au-delà duquel l’équilibre contractuel peut être considéré comme bouleversé demeure aux alentours des 1/15 de la valeur initiale du contrat, soit environ 7%. En revanche, il n’est plus question d’opérer par avenant afin d’intégrer l’indemnité d’imprévision au contrat, les parties devant désormais préférer le recours à une « convention liée au contrat, applicable pendant la situation d’imprévision et qui pourra comprendre une clause de rendez-vous à l’issu du contrat de manière à fixer le montant définitif de l’indemnité ».
A noter enfin que la circulaire rappelle également une recommandation déjà émise dans le cadre de la fiche technique « Les marchés publics confrontés à la flambée des prix et au risque de pénurie des matières premières » [DAJ, mise à jour du 18 février 2022], à savoir le gel des pénalités contractuelles afin de prendre en compte le rallongement des délais d’approvisionnement.
Ces recommandations, qui s’imposent aux acheteurs de l’Etat, doivent également être relayées par les préfets auprès des collectivités territoriales et de leurs groupements afin de sensibiliser ces derniers aux principes et aux règles de la commande publique à disposition.